Présentation 

Star Wars – Jedi : Survivor est un jeu vidéo d’action-aventure qui se déroule dans l’univers bien connu créé par George Lucas. Développé par Respawn Entertainment et édité par Electronic Arts, il est sorti le 28 avril 2023, et constitue la suite de Star Wars – Jedi : Fallen Order, paru quant à lui quatre ans plus tôt.

Avertissement 

Cet article présente mes réflexions, notées au cours du jeu, sur sa conception narrative, du point de vue du joueur que je suis. Il révèle donc des éléments de l’histoire des jeux Fallen Order et Survivor : comment parler de la façon de raconter une histoire dans un média, sans dévoiler des parties de l’histoire elle-même ? Vous êtes donc prévenus : si vous lisez cette chronique, vous vous exposez à du divulgâchage. Si vous voulez garder toutes les surprises de l’histoire intactes, allez donc d’abord finir le jeu, puis revenez ici ensuite ! 

Et si vous voulez en savoir plus sur le narrative design et les concepts associés, que je ne prends pas la peine de définir ici mais dont j’utilise les termes, je vous invite à aller lire cet article que j’ai rédigé sur le sujet : “Narrative design”, quésaco ?

Enfin, pour la compréhension de cet article, sachez que l’abréviation “PNJ” signifie “personnage non joueur”, et désigne donc un personnage du jeu avec lequel le joueur peut avoir des interactions, mais qu’il n’incarne pas.

Intrigue de Fallen Order 

L’histoire du premier épisode, Fallen Order, se déroule cinq ans après l’avènement de l’Empire Galactique et la purge de l’Ordre Jedi. Dans ce premier volet, le joueur incarne Cal Kestis, ancien padawan qui a survécu à la purge. Devenu ferrailleur sur la planète Bracca, il survit seul, caché de l’Empire et de ses Inquisiteurs, qui traquent les Jedis survivants pour les exterminer. 

Lors d’une opération risquée dans les chantiers de démantèlement d’anciens vaisseaux de guerre, la rupture d’un câble oblige Cal à utiliser la Force pour sauver un de ses collègues d’une chute mortelle. Cet incident attire l’attention des Inquisiteurs, qui forcent Cal à se démasquer et à s’enfuir. Pourchassé, il reçoit l’aide de Cere Junda, une humaine ancienne Jedi, et de Greez Dritus, un Latero pilote de son propre vaisseau, grâce à qui il parvient à quitter Bracca. 

Avec leur aide et sous l’impulsion de Cere, Cal part alors en quête d’un holocron contenant une liste d’enfants sensibles à la Force. Il cherche à s’en emparer avant l’Empire, pour les sauver des Inquisiteurs dont le but est de les convertir à leur cause ou, à défaut, de les exterminer. 

Au cours de l’aventure, Cal rencontre le droïde BD-1 et la Sœur de la Nuit Merrin, qui rejoignent le groupe. Il suit également les indications d’Eno Cordova, l’ancien maître Jedi de Cere. Grâce à ses amis, il apprend petit à petit à maîtriser ses pouvoirs, et Cere finit par lui accorder le titre de Chevalier Jedi. Après maintes épreuves qui culminent par un affrontement avec Dark Vador, le petit groupe réussit finalement à s’emparer de l’holocron, et Cal choisit de le détruire pour lever toute menace pesant sur les enfants.

Chronique de Survivor 

Introduction du jeu 

Situons rapidement le contexte : l’histoire prend place cinq ans après les événements de Fallen Order. Cal continue sa lutte contre l’Empire, loin de ses anciens compagnons qui ont suivi leurs propres voies. Comme d’habitude, je ne sais quasiment rien à propos du jeu : j’essaye toujours d’avoir le moins d’informations possible avant de jouer à un jeu, regarder un film ou lire un livre, pour garder intactes les surprises et découvrir l’œuvre avec un œil neuf. 

Après l’installation, le jeu se lance sur une cinématique présentant un rapide résumé des événements du premier opus. Puis apparaît l’écran d’accueil avec le menu principal. Un écran animé qui présente, en fond, Coruscant. On y découvre une vue plongeante sur le Temple Jedi, un ciel rose-orangé de début ou de fin de journée, et des lignes de vaisseaux qui défilent sur diverses routes aériennes. 

Premier élément notable : en lançant une nouvelle partie, le menu disparaît, et seule l’image du Temple Jedi reste à l’écran. C’est en fait le début de la cinématique d’introduction. Sans coupure, sans temps de chargement, rien. En arrivant sur cet écran d’accueil, on était en fait déjà dans le jeu, sans le savoir. Le message derrière cette conception est que les transitions ont été réfléchies, pour être fluides et transparentes. Autrement dit, à aucun moment il n’y a de coupure, on reste plongé dans l’univers en permanence. Et effectivement, la suite du jeu confirmera cet élément : on passe d’une scène jouée à une cinématique d’une manière totalement naturelle. Par exemple, alors que l’on faisait avancer notre personnage, subitement on en perd le contrôle, il se met à avancer tout seul, et la caméra s’éloigne pour agrandir l’angle de vue et prendre du recul sur la scène. S’ensuit une cinématique qui se termine comme elle a commencé : en rendant le contrôle au joueur de manière tout aussi fluide. Tout est fait pour que le joueur ne sorte à aucun moment de l’univers du jeu, ce qui est très appréciable. 

Deuxième élément notable : la cinématique d’intro elle-même. Elle est sublime et très bien pensée : elle démarre par une longue scène qui pose le contexte (Cal menotté dans un vaisseau survolant la capitale), sans aucun dialogue, seulement la musique et les effets sonores, pendant près de trois minutes, jusqu’à ce que le vaisseau se pose. Toute cette partie est d’un rythme lent, qui prend le temps de montrer, de raconter avec les images, plutôt que d’expliquer en dix secondes avec deux phrases de dialogues pour plonger tout de suite dans l’action. Non, là encore, le message est clair : on prend le temps de poser une ambiance, de poser un rythme, de poser les premiers éléments de narration. On est dans un jeu qui fait la part belle à l’histoire, et qui va nous la raconter de la meilleure manière possible. Sous-entendu : joueurs, accrochez-vous, le scénario est une force de ce jeu, il vous réserve des surprises, installez-vous confortablement et profitez. 

D’ailleurs, une remarque au passage : dans les options de difficulté, il y a le choix “mode histoire”, pour celles et ceux qui veulent, justement, profiter de la narration sans s’embêter à lutter contre des ennemis puissants et être frustrés par une progression trop compliquée. Tout cela est donc très cohérent. Et même si j’ai joué avec un niveau de difficulté avancé, je me dis qu’une fois les challenges surmontés et le jeu fini, je pourrai y rejouer juste pour l’histoire, comme on regarde encore et encore un film qu’on apprécie. 

Dernier point à propos de cette cinématique : on est ici en rupture par rapport à Fallen Order. Le premier opus nous offrait une séquence d’intro avec beaucoup de cinématiques, mais elles étaient entrecoupées de phases de jeu pour nous faire rapidement prendre en main le personnage et découvrir le gameplay. Après seulement trente secondes de cinématique d’intro qui pose un décor sans révéler de contexte, on commence à diriger Cal pour une phase de didacticiel : avancer, sauter, grimper, s’accrocher, interagir avec l’environnement, etc. À la fin de cette séquence, le jeu nous offre une autre cinématique où Cal sauve son collègue et ami Prauf, provoquant l’arrivée de deux Inquisitrices, qui tuent Prauf pour forcer Cal à se dévoiler. La cinématique prend fin sur Cal qui réussit à se dégager et commence à fuir. S’ensuit une autre phase de jeu-didacticiel où l’on apprend principalement à se battre au sabre laser. Et enfin, une dernière alternance de jeu et de cinématiques qui clôt cette introduction, où Cal est sauvé des Inquisitrices par Cere et Greef, et quitte la planète avec eux. 

L’ensemble reste immersif et plutôt cinématographique, mais je trouve que le ressenti est différent. En mettant l’accent très rapidement sur le gameplay, on sent qu’on est dans un jeu, qu’on va jouer une aventure, et que, presque de manière annexe, ce gameplay est enrobé d’une histoire. Bien sûr, cette histoire reste le gros point fort de Fallen Order, et on retrouve la même qualité apportée aux transitions entre phases de jeu et cinématiques. Les deux titres sont très proches à ce niveau-là. 

Néanmoins, la conception de cette introduction est différente, ce qui s’explique, à mon sens, par le contexte : Fallen Order est le premier jeu Star Wars d’aventure-action depuis longtemps, et le premier jeu de la série. Il y a beaucoup d’attente autour de ce titre, il faut donc frapper fort dès le début, ce que réussit brillamment toute cette séquence d’introduction : elle pose le décor, le personnage, l’ambiance, l’intrigue, les principaux protagonistes et antagonistes… le tout en une vingtaine de minutes, et de manière accrocheuse. Les choix de conception nous font donc entrevoir très rapidement un gameplay riche et une histoire prometteuse. Pari gagné : on a envie de continuer à jouer. 

Survivor, quant à lui, est aussi très attendu, mais pour d’autres raisons : c’est la suite d’un jeu très bien reçu par la critique et les joueurs, avec une note moyenne entre 81 % et 83 % (selon la plateforme) sur le site Metacritic. Mais le public, cette fois, connaît Cal et son histoire, connaît le gameplay, et espère la même qualité de jeu que le premier. Il n’y a donc plus besoin de présenter ces éléments. Bien sûr, il y aura toujours de nouveaux joueurs qui n’auront pas joué à Fallen Order, et la première phase de jeu fait également office de didacticiel et d’introduction. Mais cette fois, ce qui passe en premier, c’est l’histoire, à travers cette longue cinématique d’ouverture digne d’un long-métrage, et cette ambiance de calme avant la tempête. 

Pour conclure sur cette partie, je trouve que les choix de conception sont très cohérents et efficaces, compte tenu du contexte de sortie des jeux. Ils permettent de convaincre rapidement le joueur qu’il est dans un titre de qualité, autant par le gameplay que par la narration.

Éléments de contexte et éléments d’ambiance 

Un débat récurrent : est-ce que les éléments de contexte fournis au joueur sont des éléments de narration ? En soi, non, car ils ne participent pas à raconter les événements principaux de l’histoire. Mais en fait, si, car ils enrichissent le contenu, permettent de construire et de faire évoluer les personnages, apportent des précisions sur le monde dans lequel on évolue, participent à créer une ambiance. Ils servent donc la narration, sans y être indispensables.  

Pour ma part, je considère que leur rôle est suffisamment important pour qu’ils soient gérés par l’équipe de conception narrative au même titre que les éléments de l’histoire principale, et en leur accordant une importance équivalente. En effet, ils permettent de construire l’ambiance d’un lieu particulier, et donc du jeu tout entier. Or, l’ambiance est un élément narratif qui sert l’histoire principale. 

D’ailleurs, ces éléments de contexte rapportent de l’expérience au joueur, ce qui lui permet de progresser et d’obtenir de nouvelles compétences. Le système de jeu encourage donc le joueur à collecter ces bribes d’informations, puisqu’il y a une récompense à la clé. Encore une fois, tout cela est très cohérent et met l’histoire au centre du jeu. 

On apprécie donc les échos de Force et les scans de BD-1, qui enrichissent l’exploration par des explications contextuelles localisées ; mais aussi l’observation d’ennemis aux jumelles qui nous renseigne sur leurs forces et leurs faiblesses, ou bien encore les différents personnages que l’on croise au cours du jeu et qui finissent par se regrouper au Pyloon Saloon. Une attention particulière a été apportée à tous ces personnages secondaires, car ils ont leur propre histoire, qu’on peut découvrir petit à petit. Plus on discute avec eux, plus le lien entre eux et Cal se renforce, et plus il en apprend sur leur passé, plus ils se confient et révèlent leurs secrets. Ça devient même un objectif personnel d’aller au bout de ces discussions et de découvrir l’histoire de l’ensemble de ces personnages. 

De manière plus générale, le Pyloon Saloon est un élément de narration important puisqu’il devient le lieu de refuge de tous ces personnages, le lieu d’échanges, et que ce lieu évolue en fonction de l’avancée de l’histoire et de l’arrivée de nouveaux PNJ. C’est donc un témoin de la progression du joueur, qui a en outre la satisfaction de voir se créer une communauté dans l’établissement. C’est presque un personnage à part entière, l’ancre stable et sûre dans le chaos des événements galactiques. 

Citons aussi les discussions aléatoires entre PNJ, ces petites saynètes qui se déclenchent de-ci de-là à l’approche de Cal. Elles ne rapportent pas d’expérience, elles sont totalement facultatives car on n’est pas obligé de s’arrêter pour les écouter, mais elles rendent les lieux vivants, plus authentiques, tout donnant, là encore, des éléments de contexte sur la situation ou l’état d’esprit des ennemis rencontrés. Qui sont d’ailleurs généralement plus impatients qu’effrayés à l’idée de se frotter à un Jedi, qu’on leur a signalé dans les parages ! 

Ou encore le système de sauvegarde : celui-ci n’est pas anodin, il participe déjà à l’univers, car pour sauvegarder la partie, Cal entre en méditation et communie avec la Force, ce qui justifie un changement d’écran pour afficher un menu. C’est aussi l’occasion pour Cal de se soigner complètement, ce qui est encore une fois bien intégré à l’univers, car méditer permet aux Jedis de se reconcentrer, et régénérer leur énergie mentale et physique. 

Enfin, élément certes classique dans ce genre de jeu mais toujours efficace, Survivor regorge de quêtes et objectifs annexes, ainsi que d’items de collections à retrouver, qui encouragent l’exploration. Ce faisant, on rencontre naturellement de nouveaux éléments de contexte qui viennent encore enrichir la narration.

Mécanismes de narration 

Je ne m’attarde pas sur les mécanismes habituels de narration que sont les cinématiques, les dialogues avec les PNJ aux moments-clés de l’histoire, ou les indications textuelles qui guident le joueur dans sa quête. Car ce qui est intéressant, ce sont les éléments que l’on rencontre moins souvent (même s’ils ne sont pas forcément novateurs), et/ou qui sont parfaitement intégrés au gameplay et à l’ambiance générale. 

BD-1 

Par exemple, plutôt que d’avoir une indication textuelle d’objectifs à remplir, un journal de bord et un système d’indices cachés dans les menus, c’est directement Cal qui fait des remarques tout haut, fait le point sur la situation, ou suggère un moyen d’action face à une situation donnée. Mais là où d’autres jeux font parler leur personnage tout seul, ce qui est quelque peu surprenant, Survivor a trouvé un moyen efficace et élégant d’intégrer ces commentaires dans le jeu sans dissonance : Cal n’est jamais seul, il ne se parle pas à lui-même, il dialogue en fait avec BD-1 tout au long du jeu, ce dernier étant perché sur son épaule ou accroché dans son dos. Et BD-1 répond, avec ses petits bruits de droïde, ce qui transforme l’échange en véritable interaction entre les personnages. Ce système donne ainsi des éléments de contextes et sert de « résumé » de la quête principale, ce qui est parfois bien utile puisque le joueur évolue dans un monde ouvert avec énormément de lieux à explorer. Il est donc facile de se perdre dans les environnements, et un rappel des objectifs principaux n’est donc pas de trop. 

Ce n’est d’ailleurs pas la seule utilité de BD-1 : quand Cal s’enfonce dans des zones sombres, c’est BD-1 qui éclaire la voie. Par exemple, une scène dans l’épave du Lucrehulk est pour moi emblématique de ce mécanisme, car Cal se retrouve assez longtemps dans le noir complet. La seule lumière vient de BD-1, mais il ne se contente pas d’éclairer devant lui, ou dans la direction du regard de Cal : la lumière suit l’orientation de la caméra, qui est contrôlée par le joueur, et qui est indépendante de l’orientation de Cal. BD-1 n’est donc pas fixe, mais bouge de façon indépendante, ce qui donne l’impression qu’il a sa propre volonté, puisqu’il ne se contente pas de suivre les indications de Cal. C’est d’ailleurs lui qui prend l’initiative d’allumer sa lampe-torche, ce n’est pas une demande de Cal. Là encore, on a donc affaire à un mécanisme bien pensé qui participe à la construction de la personnalité de BD-1, à travers les initiatives qu’il prend et l’indépendance qu’il montre vis-à-vis de Cal. 

Les compagnons 

Dans le même ordre d’idée, Cal est parfois accompagné par ses alliés humanoïdes, Merrin ou Bode par exemple. Ces scènes permettent d’ajouter des éléments de gameplay, avec une fonctionnalité qui permet à Cal d’ordonner à ses compagnons de l’assister dans un combat. Mais au-delà de ça, ces compagnons ne sont pas statiques, dans le sens où ils ne suivent pas aveuglément Cal : ils ont leurs propres capacités particulières, et avancent donc aux côtés de Cal et non derrière lui. Les personnages discutent en avançant, réfléchissent ensemble à la façon de franchir les obstacles qui se présentent, et ce sont parfois les PNJ qui prennent des initiatives. Tout cela paraît donc très naturel, car ce n’est pas le joueur qui doit réfléchir à la place du PNJ et lui ordonner d’agir, ce qui constituerait pour moi une dissonance : le joueur incarne Cal uniquement, et ne gère pas une équipe. Il peut donc demander des services à ses compagnons, mais ne doit pas leur ôter tout libre arbitre. Ce mécanisme, tel qu’implémenté dans Survivor, est donc une façon intelligente de gérer ces interactions. Cela permet également de développer les caractères et les personnages des PNJ, de leur donner une individualité, de reconnaître leurs compétences propres et donc de les rendre uniques. Ce sentiment est aussi renforcé par quelques scènes dans lesquelles Cal se trouve limité dans sa progression par rapport à ses compagnons : leurs capacités leur permettent de franchir les obstacles facilement et rapidement, alors que Cal, qui n’a pas les mêmes aptitudes, est obligé de prendre un autre chemin. Ainsi, par exemple, tout en essayant de franchir des passages délicats, on aperçoit Merrin un peu plus loin qui est partie devant, et se retrouve seule face à des ennemis. Trop loin, Cal ne peut pas intervenir, doit prendre un autre chemin, ne peut pas l’aider, mais est néanmoins obligé d’assister à la scène, impuissant, ne pouvant qu’espérer que Merrin s’en sorte face à des adversaires surnuméraires. Ces passages ajoutent donc de la tension, permettent de créer des moments dynamiques où le joueur est poussé à avancer rapidement pour aller rejoindre ses compagnons en danger, et permet également d’introduire des discussions entre Cal et ses alliés au cours de la progression, sans avoir besoin d’interrompre l’action du joueur en lançant une cinématique. 

Les clients du Pyloon Saloon 

Parmi les éléments narratifs de contexte, j’ai déjà mentionné les PNJ qui traînent au Pyloon Saloon. La mécanique est assez classique, mais plutôt bien travaillée car chacun de ces PNJ a son histoire à raconter, ses particularités, sa façon de parler (sa voix, ses intonations, son vocabulaire), ses centres d’intérêts. Ce ne sont pas juste des interactions vides de sens, ces personnages apportent vraiment quelque chose et participent, à leur manière, au développement du personnage de Cal et de sa personnalité. Skoova Stev, en particulier, a une longue histoire qu’il raconte à Cal par petits morceaux, à chaque fois que Cal le croise dans le monde. Skoova est un pêcheur qui permet de progresser sur une collection de poissons de différentes espèces qui finissent dans l’aquarium du Saloon. Ajouter ce mécanisme de Skoova qui raconte son histoire donne donc au joueur une motivation supplémentaire pour terminer la collection de poissons, car l’enjeu devient finalement d’avoir la fin de l’histoire plutôt que de compléter la collection. À travers ses péripéties, son design et sa personnalité, Skoova devient un personnage secondaire mémorable, qui sort du lot et dont on se rappelle par la suite avec affection. 

Sur le même principe, Caij est une chasseuse de prime rencontrée au Saloon, qui avertit Cal de la présence de la Nuée d’Haxion. Cette organisation de chasseurs de primes est une référence directe à Fallen Order, dans lequel Cal est pourchassé car sa tête est mise à prix. Au travers des cibles repérées par Caij, une histoire se dessine également, dont la résolution est une belle référence à l’univers Star Wars, et que j’aborde un peu plus loin à ce titre. Mais encore une fois, on a affaire à un mécanisme qui permet à la fois de compléter une collection et de raconter une histoire secondaire à travers une succession d’événements intégrés dans le monde du jeu, le tout lié à un PNJ à la forte personnalité. 

Un monde évolutif 

Dernier mécanisme abordé ici : le monde dans lequel l’histoire prend place. Car lui aussi est vivant et constitue ainsi un élément narratif. Cela passe par plusieurs évolutions différentes, comme par exemple un changement d’ambiance qui survient dans un même lieu, selon l’avancée dans le récit principal. On se retrouve avec dans les mêmes décors, mais la simple utilisation d’une lumière différente, par exemple, permet de donner une impression totalement différente. Ainsi, alors qu’on a l’habitude d’évoluer dans une lumière de milieu d’après-midi, on se retrouve soudain, la fois suivante, dans une nuit totale. Puis lorsqu’on revient encore un peu plus tard, la lumière a encore changé, et tout l’environnement est nimbé de la lumière rose-orangée de l’aube. 

Mais ce n’est pas seulement des modifications d’éclairage ou de décors, ou de nouvelles zones qui deviennent accessibles. En avançant dans le récit, on se rend compte aussi que le type d’ennemis rencontrés évolue : ce n’est pas tant une augmentation de difficulté en se retrouvant face à des ennemis plus puissants, mais bien la nature des ennemis qui change, au fur et à mesure de la progression de l’Empire dans la région. Assez tôt dans le récit, Cal se retrouve sur une planète contrôlée par un clan local de pillards. Mais ses activités dans la région attisent la curiosité de l’Empire, qu’on voit donc débarquer. Au fur et à mesure que la présence des impériaux s’intensifie, on assiste à des combats entre factions rivales, qu’on voit ou qu’on entend de loin en passant, par exemple avec les pillards. Il arrive alors qu’on attende l’issue de la bataille avant de plonger soi-même dans la mêlée, pour un affrontement à notre avantage. Ou d’intervenir au milieu du combat pour rééquilibrer les forces en présence et les laisser s’entretuer le plus possible. Cela a quelque chose de satisfaisant de pouvoir profiter ainsi des rivalités entre factions ennemies. 

Cette progression des impériaux se ressent d’ailleurs aussi dans les discussions que le joueur a avec les PNJ, ou celles qu’on entend entre deux PNJ au coin d’une rue. L’ambiance évolue donc également par ce biais-là, elle se fait plus pesante, plus oppressante, à mesure que la population locale se sent moins en sécurité. Il naît un sentiment d’urgence, soit à partir pour survivre, soit à régler le problème de l’occupation impériale grandissante. Ce qui affecte Cal, que ses valeurs poussent à défendre les faibles et les opprimés. 

La musique 

La musique est omniprésente dans le jeu, et reprend les codes et les thèmes de celle des films. Il n’y a pas grand-chose à mentionner à ce propos, si ce n’est que le jeu intègre, en plus de compositions originales, des morceaux emblématiques de Star Wars, qui se déclenchent à des moments clés du jeu, comme par exemple l’apparition de Dark Vador et le thème de la Marche Impériale qui résonne au milieu du combat qui s’ensuit. 

On s’attend à ce genre de choix dans un tel jeu, néanmoins cela reste toujours efficace et appréciable d’intégrer des éléments qui sont passés dans la culture commune et sont à ce point reconnaissables.

 

Univers transmédia 

La musique n’est bien sûr pas la seule référence à l’univers Star Wars au-delà du simple contexte du jeu. Car Star Wars est transmédia, c’est-à-dire qu’il se décline via différents supports (films, livres, jeux, séries) et que les récits sont interconnectés. 

Dans Survivor, Cere et son ancien maître Eno Cordova travaillent à la reconstruction des archives Jedi sur la planète Jedha : c’est une tâche très importante, présentée comme l’héritage de l’Ordre tout entier, et une chance de le faire survivre ainsi. Mais en tant que fan, on sait ce qui arrive par la suite… Jedha sera attaquée et détruite par l’Empire neuf ans plus tard (événements racontés dans le film Rogue One), et ces archives seront vraisemblablement détruites. Cet élément transmédia nous fait percevoir à quel point le travail de Cere et Eno est futile, et ajoute une autre dimension à tous ces lieux que l’on visite à travers Cal. Car ce sont les activités de ce petit groupe qui attirent l’Empire sur Jedha, menant à son occupation, son exploitation pour alimenter l’arme de destruction de l’Étoile Noire, la destruction de Jedha City dans Rogue One, et la décision de Jyn Erso, héroïne du film, de rejoindre la Rébellion. 

Autres éléments transmédias : alors que les personnages de Cal, Cere et leurs compagnons ont été créés pour Fallen Order, il existe un livre, Star Wars Jedi: Battle Scars, qui raconte les événements survenus pendant la période de cinq ans entre les histoires de Fallen Order et de Survivor. On peut également citer la série Obi-Wan Kenobi, dans laquelle on voit apparaître l’organisation nommée “Hidden Path”, qui est justement celle dont font partie Cere et Eno Cordova. Enfin, toujours lié à Jedha, on apprend que les Textes Sacrés mentionnés dans le film Les Derniers Jedi ont été entreposés un temps dans les archives assemblées par Cere et Cordova. Autant d’éléments qui apportent donc une profondeur supplémentaire à Survivor

Enfin, citons également l’histoire de la chasseuse de primes Caij. Alors qu’elle semble aider Cal à se débarrasser de la Nuée d’Haxion (référence à Fallen ORder), elle se retourne finalement contre lui pour embaucher la prime sur sa tête. Elle s’était juste servie de lui pour éliminer la concurrence. Lors de l’affrontement final de cet arc narratif, un personnage emblématique fait alors irruption : Boba Fett ! Pour moi, la surprise était totale, je ne m’attendais absolument pas à voir Boba Fett dans ce jeu, et j’ai vraiment apprécié ce moment. J’ai décidé de le vivre comme un petit cadeau, plutôt que d’y voir un aspect négatif de pur fan service. Car cela n’apporte rien à l’histoire principale, mais entendre Boba dire « on se reverra, Jedi » laisse une ouverture plaisante pour une suite : y aura-t-il un nouvel opus dans la série de jeux Star Wars : Jedi ? Y verra-t-on à nouveau Boba Fett ? De l’importance de clôturer un chapitre tout en laissant des ouvertures : susciter l’envie.

Scènes marquantes 

Parmi toutes les séquences de jeu, j’en ai trouvé certaines particulièrement marquantes, soit par le choix narratif, soit par l’intensité du jeu ou du récit. 

La foreuse 

L’arrivée de la foreuse sur Jedha apporte de la tension : elle est gigantesque, on n’en voit que les bras articulés semblables à des tentacules terminés par des pinces énormes, elle va tout détruire dans le temple qu’on explore à ce moment-là, elle paraît indestructible, et pourtant il faut l’arrêter avant qu’elle ne fasse trop de dégâts. S’ensuit une fuite dans les couloirs rocheux de la région, intense et dynamique, car on n’a pas le temps de s’arrêter ou de souffler, avec Cal et Merrin poursuivis par cet engin destructeur. Et c’est surtout la fin de cette séquence qui est mémorable, car c’est un mélange de scènes d’action jouées, mélangées à des scènes en mode cinématique, sans transition, avec des effets d’accélération et de vitesse impressionnants lorsqu’on suit Merrin en sautant de portail en portail, couplés à des effets de ralentis aux moments clés, le tout dans un ballet aérien rempli d’effets lumineux verdâtres de la magie de Merrin, dans une séquence qui ne laisse pas droit à l’erreur dans le gameplay sous peine de défaite instantanée. Intense et époustouflant ! 

Trahison 

Cette scène est sûrement ressentie différemment en fonction du degré de difficulté du combat. Car il s’agit d’une séquence autour d’un combat de boss. Ce sont des combats difficiles, avec des mécaniques particulières et, au niveau de difficulté que j’avais choisi, qui nécessitent un certain apprentissage pour pouvoir gagner. 

Cela dit, certains combats de boss sont quand même plus faciles que d’autres. Celui contre Bode est très difficile. J’ai été vaincu très rapidement, Bode est un adversaire redoutable. Ce qui est un choix fantastique, je trouve. Car Bode, depuis le début du jeu, était notre allié. Et qu’on vient de constater sa trahison au profit de l’Empire. Le combat survient donc dans un contexte émotionnel particulier pour Cal. 

En plus de cela, Bode se révèle être un Jedi. Deuxième surprise importante autour de cette scène. Et, donc, Bode est très puissant. Ce que je trouve fantastique là-dedans, c’est que ce n’est pas inhabituel de perdre un premier combat face à un boss. On relance la dernière sauvegarde et on recommence. Or, là, non. Au lieu de devoir recommencer le combat, une cinématique se lance, dans laquelle Bode prend effectivement l’ascendant sur Cal (ce qui advient d’ailleurs aussi même si on gagne le combat), et le repousse jusqu’à le faire chuter dans un précipice. Écran noir. Comme si on était mort. Seule option accessible : cliquer sur le bouton de réapparition, ce qui ramène normalement à la dernière sauvegarde. 

Or, là, non. Changement de scène, on ne sait pas ce qu’il advient de Cal, et on se retrouve à incarner Cere. Sans transition. Effet garanti. 

Cere 

Cere est une ancienne Jedi, devenue la mentor de Cal. C’est un PNJ dans Fallen Order, et également dans Survivor. Jusqu’à cette fameuse scène, donc. La situation est désespérée, le temple sur Jedha qui sert de refuge au petit groupe qui résiste à l’Empire est attaqué, suite à la trahison de Bode. Cal est présumé mort. Et c’est là que le joueur incarne alors Cere, décidée à protéger ses compagnons et les archives Jedi du temple, pour en sauver le maximum avant de prendre la fuite. 

La séquence ne laisse pas de répit, devant les assauts incessants des impériaux. Cette phase de gameplay permet au joueur d’apprendre les capacités de Cere, de se familiariser avec ce personnage qu’on incarne pour la première fois. 

Cere défend du mieux qu’elle peut les abords du temple, avant de se réfugier à l’intérieur pour sauver des données importantes, qu’elle copie sur un support confié à BD-1. Elle est donc seule, dans la salle des archives en proie aux flammes, lorsqu’elle pressent un danger. Et la porte s’ouvre sur Dark Vador. 

Tout fan de Star Wars sait à quel point Dark Vador est redoutable. Tout joueur de Fallen Order sait que ni Cal ni Cere ne font le poids face à lui. Quand il apparaît, Cere actionne une manette qui abaisse le centre de la salle et forme une sorte d’arène circulaire. Le message est clair : pas d’échappatoire. À ce stade, pour moi, l’issue ne fait pas de doute. Cere est perdue, Vador va la tuer, et au lieu de seulement raconter cette scène via une cinématique par exemple, le choix a été fait de faire participer le joueur, de manière active, à cette fin. Aux premières loges. Car Cere ne se rend pas sans combattre. Elle affronte Vador, dans un combat qui est lui-même éprouvant et que j’ai recommencé plusieurs fois pour finir par arriver au bout. Le jeu nous fait donc lutter férocement, ne nous permet pas d’abandonner comme face à Bode, non, il faut aller jusqu’au bout, il faut pousser Vador dans ses retranchements pour que finalement le combat s’achève… sur la mort de Cere. 

Ce choix de faire jouer cette séquence, de raconter cette scène de cette façon, est pour moi un exemple parfait de narrative design qui change complètement le ressenti du joueur. Ce qui en fait un des grands moments du jeu. 

Cal et le côté obscur 

Après la trahison de Bode, Cal poursuit ce dernier. Alors que l’enchaînement des événements le pousse vers le côté obscur, Cal bascule du côté sombre en retrouvant Bode dans une station du Bureau de Sécurité Impériale. Sa capacité spéciale est alors modifiée : au lieu de ralentir les ennemis, Cal entre dans une rage sanguinaire qui lui permet d’éliminer ses adversaires rapidement. 

À ce moment, en tant que joueur, je refuse que Cal passe du côté obscur. J’espère qu’il rebasculera du bon côté si je n’utilise pas son pouvoir obscur. Mais c’est sans compter sur le système de jeu, qui oblige le joueur à utiliser ce pouvoir pour avoir le droit de continuer. 

J’ai donc beau participer à l’histoire, puisque le récit est interactif, je n’ai pas la liberté de décider à la place du personnage que j’incarne. Ce jeu est un média qui raconte l’histoire de Cal, et comme lorsqu’on lit un livre, cette histoire est figée. 

Heureusement, donc, que le jeu m’oblige à utiliser ce pouvoir obscur. Le contraire aurait été à l’encontre de l’évolution du personnage, et n’aurait pas eu le même impact sur la façon de vivre de cette scène. Car ainsi, j’ai dû me résoudre à passer du côté obscur, avec ce même désespoir que devait ressentir Cal à ce moment-là. 

Bode et Kata 

Il ne s’agit pas ici d’une scène précise, mais d’un plutôt d’un ensemble de séquences qui mettent en scène Bode et sa fille Kata, après la trahison de ce dernier. Et pour être honnête, il faut également inclure dans cet ensemble des scènes antérieures, car ce qui est marquant est la construction de ces deux personnages, leur évolution au cours du récit, et la façon dont ils servent la narration. 

Bode est un allié au début du jeu, mais finit par trahir le groupe de Cal, et se révèle en tant que Jedi. C’est un antagoniste très bien travaillé, avec un look classique de mercenaire ou contrebandier de Star Wars. Chaque type de héros, dans cet univers, possède des caractéristiques bien marquées. Un fan sait distinguer au premier coup d’œil qui est Jedi, Sith, Sœur de la Nuit ou chasseur de prime par exemple. Bode est clairement dans la catégorie gentil vaurien, au même titre que Han Solo. À aucun moment, avant la révélation, on ne soupçonne que c’est un Jedi. 

Au travers des différentes cinématiques et dialogues que Cal peut avoir avec lui, on en apprend un peu plus sur l’histoire de Bode : c’est un père, veuf dont la femme est morte à cause de l’Empire, et qui veut donc offrir à sa petite fille un avenir meilleur, libéré de l’influence de l’Empire. Son visage, ses expressions, son comportement sont toujours amicaux. Ses actions, nobles. Encore une fois, on ne soupçonne à aucun moment qu’en réalité il espionne pour l’Empire. 

Même après la révélation de sa trahison, il n’est pas antipathique : il n’avait pas le choix, c’est l’Empire qui l’a forcé, l’a fait chanter, il a fait ça pour sa fille, pour un but noble. Ce n’est pas le classique Sith maléfique opposé au vertueux Jedi, et il devient une sorte de concurrent plutôt qu’un ennemi viscéral. En ce sens, c’est donc un personnage très bien travaillé et très bien amené dans le récit. Il apporte cette nuance de gris qui a tant tendance à manquer dans ce genre de fiction trop souvent blanche et noire. Il apporte de l’humanité dans l’opposition finale à Cal, de telle sorte que le joueur, comme Cal, hésite dans la conduite à tenir : il ne veut pas affronter Bode, mais aura-t-il le choix ? Cela dépendra des actions de Bode. Autre effet très intéressant : avant de vivre la fin de l’histoire, on ne sait pas comment ça va se terminer. Car dans le cas d’une opposition classique entre le Bien et le Mal, l’issue est souvent évidente. Le joueur incarne le Bien, qui triomphe à la fin. Et bien que Survivor ne soit pas un jeu à fins multiples, l’histoire aurait pu se terminer de trois ou quatre manières différentes, et tout cela aurait pu se décider au moment de l’affrontement final contre Bode. C’est donc un gros point positif de susciter le doute chez le joueur, de le faire espérer que le récit se termine comme il le souhaiterait. Car (de mon point de vue en tout cas), une fin prédictible n’a que peu d’intérêt. 

Quant au personnage de Kata, il aurait pu n’être qu’un prétexte pour Bode, pour justifier ses actions et servir son histoire personnelle, sans qu’on ne la voie jamais. Elle aurait pu rester fictive, elle aurait pu avoir été inventée par Bode, elle aurait pu avoir existé mais être morte au moment du récit, laissant Bode agir comme si elle était encore vivante. 

Mais finalement, vers la fin du jeu, on la rencontre. Et son rôle est primordial dans la narration : le fait de la voir et d’interagir avec elle apporte une dimension et une ambiance tout à fait différentes, elle n’y est pour rien, elle est innocente, elle ne fait que subir, et ne peut pas se protéger ; elle ne peut pas non plus raisonner son père qui reste convaincu de la justesse de sa ligne de conduite. 

En arrivant devant le temple de Tanalorr à la fin du jeu, on est confronté à un nouvel environnement. Tout ce lieu est très bien travaillé, très joli, il ne ressemble pas à grand-chose de connu dans l’univers Star Wars, il n’y a aucun ennemi sur place, aucune forme animale, seulement des plantes. Et alors que la musique est quasiment omniprésente tout au long du jeu, ici non. Pas de musique, juste la discussion entre Cal et Merrin alors qu’ils progressent dans cette contrée inconnue, leur discussion sur Bode et l’avenir de Kata après l’inévitable confrontation qui s’annonce. Puis, en arrivant en vue du temple, cette petite voix d’enfant qui résonne dans toute la caverne… Une chanson émouvante, belle, mélancolique. Une berceuse, reprise en chœur par Bode et Kata lorsque Cal active un écho de la Force. On ne peut s’empêcher de s’arrêter en entendant ça, pour apprécier le moment. Prenant. 

Ainsi, avant la confrontation finale, la discussion entre Cal et Merrin, plus la chanson, plus les quelques scènes vécues avec Kata, font qu’on n’a pas envie de tuer Bode. Ce n’est pas juste Cal qui essaye de préserver la vie en tant que Jedi, mais nous, joueur ou joueuse, qui sommes d’accord avec lui, mais qu’on oblige quand même à affronter Bode… sans savoir encore quelle sera l’issue du combat. Kata véhicule une charge émotionnelle primordiale dans tout cet arc narratif. Sans elle, tout cela aurait été insipide. Avec elle, ça devient tout simplement beau. 

Dissonance ludonarrative 

Je ne peux pas terminer cette chronique sans parler de dissonance ludonarrative. Fort heureusement, Survivor ne m’a pas choqué de ce point de vue. En fait, je n’ai relevé qu’un seul élément qui m’a dérangé : mis à part lorsqu’il penche vers le côté obscur, Cal est un Jedi et ses actions sont dictées par le fait de faire le bien, libérer les opprimés, et préserver la vie. Il veut sauver tout le monde, c’est pour cela qu’il cherche à rejoindre Tanalorr pour en faire un refuge sûr. 

Mais paradoxalement, il passe son temps à tuer tout le monde. J’aurais aimé avoir une option pour assommer ou incapaciter les ennemis plutôt que les achever. Et c’est d’autant plus vrai pour les animaux sauvages que l’on croise. Car on peut se dire que les humains et aliens que l’on affronte n’abandonneront pas et se lancent toujours dans un combat à mort. Cal n’aurait donc pas le choix. Admettons. Mais il peut influencer les ennemis avec la Force : il dispose d’un pouvoir pour les contrôler et les forcer à se retourner contre leurs alliés. Pourquoi, dans ce cas, ne serait-il pas capable d’utiliser la Force pour les apaiser ? Pour les convaincre de baisser les armes ? 

D’autant que Cal a l’air d’en être capable : il peut par ailleurs charmer certains animaux pour s’en servir de monture. Il les approche tranquillement, et utilise la Force pour établir une connexion afin de les apaiser et les apprivoiser. Pourquoi, dans ce cas, ne pas avoir la même possibilité vis-à-vis de toutes les créatures sauvages ? Pourquoi nous faire affronter une énorme bête qui bloque le passage, alors qu’elle est endormie ? Pourquoi ne pas laisser la possibilité de passer discrètement sans la réveiller ? Et si elle se réveille, pourquoi ne pas essayer de la calmer ? L’endormir ? Non, Cal fonce au combat sans ses poser de question, et sans que ça ait l’air de l’affecter. 

Je trouve donc cet aspect des choses un peu dommage, et c’est un point qui aurait pu, je pense, être amélioré par rapport à Fallen Order

Pour finir, je reviens sur le passage où Cal est obligé d’utiliser un pouvoir du côté obscur, après la confrontation avec Bode sur la base impériale. Est-ce similaire au fait d’obliger Cal à tuer ses adversaires ? Non, car à ce moment, cela sert l’histoire et est tout à fait cohérent avec l’évolution du personnage. Ceci n’est donc pas une dissonance ludonarrative.

Conclusion 

Sans être fondamentalement novateur, Survivor offre une histoire riche et des mécanismes narratifs intéressants et très bien exploités. C’est un jeu centré sur le récit, qui est raconté de manière très appréciable. Ajouter à cela un “mode histoire” à la difficulté minimale, et on obtient un épisode que l’on pourrait prendre plaisir à rejouer à l’occasion, juste pour revivre l’histoire, retrouver des personnages intéressants et bien travaillés, et se replonger dans les scènes les plus marquantes. 

One response

  1. Merci pour ces commentaires, intéressants, clairs. Après avoir lu, j’ai envie d’y jouer!

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