Est-ce qu’il y a une réponse au sens de la vie ? Chaque être humain possède ses propres valeurs, ses propres envies, ses propres passions, ses propres attentes, ses propres sentiments… et en fonction de tout cela, sa propre façon d’agir dans son environnement, de réagir face à un contexte particulier.

Mais qu’est-ce qui vous pousse à continuer ? Qu’espérez-vous faire, voir, accomplir, qu’est-ce qui fait que vous vous levez le matin, à part la routine ? Vous n’avez jamais envie de tout envoyer balader, de tout changer ? Changer toutes ces choses qui vous agacent, tout ce qui vous énerve, mettre tout ça sur pause, se poser un moment, prendre le temps de faire ce que vous avez vraiment envie de faire, vivre enfin votre vie idéale, sans plus vous poser de questions, sans doutes, sans avoir à penser au lendemain, juste profiter du moment, simplement… À quoi ressemblerait cette vie ?

Un ciel bleu où s’égare parfois un nuage blanc cotonneux qui offre une ombre rafraîchissante. Un soleil orangé, chaud, qui caresse la peau de ses rayons sans la brûler. Il surplombe un cirque de montagnes, majestueuses, calmes, apaisantes.

Leurs sommets, bien qu’accidentés, sont nivelés par une couche de neige fraîche immaculée. Sur leurs flancs loge une forêt, brillante de nuances de verts de l’extérieur, mais plus sombre, mystérieuse, intime, de l’intérieur. Les sous-bois reclus abritent des arbres millénaires, d’où tombe de leur voûte de branchages une obscurité protectrice, tandis que des raies de lumière vive filtrent entre les rameaux, renforçant par ce contraste les couleurs alentour, faisant danser dans leurs faisceaux poussières scintillantes, graines virevoltantes et insectes bourdonnants. Au sol, parterres de fougères, tapis de mousses, rochers de toutes formes et de toutes tailles, traçant un chemin pour s’aventurer plus profond dans le bois sans déranger ni fleurs ni champignons.

Les autochtones ne sont pas farouches, se laissent approcher sans broncher, nul ne les menace. Chevreuils, sangliers, biches, lapins, écureuils, pics-verts, rouges-gorges, cohabitent avec les humains, mais aussi avec loups, renards, ours, lynx. Lézards et serpents prennent le soleil, trônant sur leurs pierres, tandis qu’abeilles et autres bourdons s’affairent autour des fleurs, touches colorées complétant le tableau de bleus, rouges, mauves et jaunes éclatants.

La forêt entière vibre, résonne des chants d’oiseaux, du bruissement des feuilles caressées par le vent, brise légère qui fait voler les cheveux, courbe les hautes herbes, fait siffler les brindilles. Le son cristallin de torrents d’eau fraiche, pure, traçant leurs routes entre les rochers, se mélange à ce concert espiègle de la nature. De temps à autre, un cri strident traverse la canopée, témoin de la présence d’un aigle, planant au-dessus des rochers, des arbres, des montagnes, entre sol et cieux, comme s’il avait envie d’élire domicile sur la lune, si grande, si belle, si proche, mais rechignait à quitter sa terre séculaire.

Dissipés sur les parois abruptes et rocailleuses des sommets, les arbres se regroupent dans la forêt dès que les pentes s’adoucissent, et recouvrent une large zone du cirque. Ils s’étendent jusqu’aux abords d’un lac turquoise qu’alimentent, en sources désordonnées et concentriques, les torrents argentés descendant des sommets en cascades de gouttelettes, brisant de verticales, à intervalles aléatoires, la monotonie horizontale des parois rocheuses. À partir de la base des chutes, les langues liquides aux reflets bleutés se frayent un passage sinueux entre les roches, disparaissent sous la frondaison, pour émerger ensuite au soleil, avant de se jeter délicatement dans l’onde du lac placide.

Les animaux viennent s’y désaltérer dans la fraîcheur de l’amont, tandis que les humains préfèrent s’y baigner plus en aval, où l’eau est plus chaude. Quelques feuilles naviguent tranquillement à sa surface, évitant les nénuphars et les roseaux, et transportent l’odeur d’humus de la forêt jusqu’au milieu de l’étendue liquide.

Le lac se termine en un fleuve étroit, à faible débit, qui s’en va, nonchalant, éclabousser les hautes herbes. Le vert qu’affichent ces plantes grasses, bien nourries, se mélange aux blés sauvages, jaunes, doux et chaleureux au toucher, et les fleurs des champs, fugaces, rouges, bleues et roses, qui composent le paysage à l’opposé de la forêt. Après avoir abreuvé la terre, le fleuve finit sa course dans la paroi rocheuse, s’échappant du cirque par un tunnel, creusé à force de volonté. Les montagnes colmatent la fuite, couvrent de leurs corps l’onde qui s’exfiltre, et referment le cirque au-dessus d’elle.

Elles rapprochent l’horizon, protégeant ce lieu de la curiosité extérieure. Seule une large arche, ouvrant vers l’ouest, permet de déboucher sur un autre paysage. Une cascade s’élance de sa voûte, masquant l’entrée d’un rideau de pluie. Le franchissant, on débouche sur une vaste plaine, lande d’herbe rase relevée par un bouquet de senteur marine, salé, auquel se mélange une touche de romarin. Le vent ici est plus fort, le ciel plus sombre, d’un bleu d’orage, uni, bas, mais qui n’empêche pas le plateau d’être illuminé par une forte lumière, imprégnant la scène d’une aura mystique. La puissance des éléments est presque palpable, mais de cette force tranquille qui protège et non détruit. Malgré sa plate homogénéité, la grandeur du lieu saisit l’âme en son cœur.

Un grisant sentiment de vertige naît et grandit lorsqu’on se rapproche de l’horizon, au fur et à mesure que l’on devine l’océan furieux, bleu électrique et blanc d’écume, et la limite entre la terre et la mer : majestueuses falaises plongeant à pic dans l’eau, les jambes grignotées par les vagues, mais toujours droites, fières de leur robustesse. On aurait presque envie de sauter, sentir la chute, avant de reprendre le contrôle de la gravité et s’envoler, léger, rasant les flots déchaînés. Peut-être un jour nous poussera-t-il des ailes, il faut pour le moment se contenter de l’imaginer.

Un peu plus loin chemine, à même la roche, un escalier gravé dans la falaise. Il mène à une petite crique, protégée par un tournant de la paroi, où l’océan semble dompté. Il ne part plus à l’assaut du mur rocailleux, mais vient lécher doucement une plage de sable jaune, havre de calme où résonne cependant la brutalité de l’attaque des vagues, témoin de l’agressivité de l’eau, juste un peu plus loin sur la grève. Mais ici règne une trêve bienvenue, qui autorise la rêverie et la baignade, et parfois la rencontre avec des dauphins peu farouches, dont la curiosité naturelle est attisée par la présence d’humains, insolites dans ce lieu sauvage et préservé.

La configuration du site offre la rare beauté de voir deux fois le soleil se coucher. En fin d’après-midi, sur la montagne, parant de jaunes, d’ocres, puis de mauves, la neige éclatante des sommets, les bandes rocheuses striées de cascades, les cimes des arbres, les collerettes des fleurs des champs, et faisant scintiller la surface du lac, projetant des étincelles lumineuses venant valser avec les derniers papillons profitant de la douceur du soir.

Franchissant la cascade de l’arche, le soleil réapparaît alors, pour se coucher une seconde fois, en fin de soirée, sur l’horizon maritime. Ses rayons rasent alors la lande et les bruyères, nivellent les vagues comme pour les calmer pour la nuit, et l’astre tout entier finit par sombrer dans le vaste océan, dans un déchaînement de projections enflammées qui illuminent les cieux avant de retomber à leur tour en pluie étincelante dans les abîmes liquides.

La lune, restée jusqu’alors discrète, prend le relais pour éclairer ce paysage nocturne. Solitaire dans la journée, elle est rejointe pendant la nuit par un nombre grandissant de sœurs, cousines, parentes, trop timides pour s’approcher, préférant rester loin des humains, mais attirant néanmoins l’attention par leur scintillement ininterrompu.

Le paysage se transforme sous cette lumière spectrale, les plantes, les arbres prennent des allures squelettiques, les animaux semblent perdre leur corps pour ne conserver que leurs yeux, luisant dans la pénombre en écho aux étoiles. L’ambiance fantomatique du lieu n’en est pas pour autant effrayante, au contraire à la fois plus intimiste et plus mystérieuse, plus libertaire aussi. La nuit fait tomber les interdits, le monde se relâche, chacun laisse libre cours à ses envies, son imagination, ses rêveries. Les idées se concrétisent, les fantasmes s’assouvissent, les passions se libèrent. Enfin Morphée reprend ses droits, et chacun se laisse aller dans ses bras, à des heures plus ou moins avancées de la nuit, jusqu’à ce que le sommeil ait fini son travail réparateur.

Non loin du lac, posée là comme une grenouille sur son nénuphar, une construction en bois est l’unique trace de civilisation dans ce coin de nature. Elle possède ce charme rustique des chalets montagnards, avec son odeur de résine et la chaleur du matériau, sans pour autant sacrifier l’espace vital et le confort. Se dressant sur plusieurs étages, elle fourmille de pièces, de couloirs, de passages, révélant ses mystères aux plus observateurs, qui savent dénicher escaliers escamotés, recoins cachés, greniers abandonnés. Connaître tous les secrets de cette architecture compliquée prendrait des années à un nouvel arrivé, d’autant que le bâtiment vit, grandit au fur et à mesure des aménagements de ses habitants, qui ajoutent des salles et redessinent la structure selon leurs envies et leurs besoins. Car chacun ici est libre de s’installer, s’occuper, et vivre.

Vivre sans tabous, sans contraintes, sans questionnements. Simplement profiter de la vie et ses bons moments, profiter des amis et de leur compagnie. Discuter, jouer, rire ou pleurer, ou simplement rester là, assis ensemble, sans rien dire, partageant la sérénité du moment.

Les humains qui cohabitent en ce lieu sont tous amis, unis par cette envie de se retrouver ensemble, mais savent aussi laisser leur intimité aux plus solitaires, et ne pas déranger ceux qui souhaitent s’évader seuls de leur côté. Ils vaquent à leurs occupations, jeux de société, musique, lecture, écriture, sport, jeux vidéo, promenades, randonnées, ou toute autre occupation artistique ou ludique, entrecoupées par quelques tâches ménagères ou d’entretien pour la communauté.

Discussions, délires, partages, échanges, rythment les conversations et nourrissent l’esprit, au détour d’expériences racontées, d’histoires inventées. Les récits s’imaginent, se rêvent, ou se relatent, transcriptions des allées et venues des uns et des autres de par le monde. Car si le cirque est le point d’accroche, le foyer où l’on revient toujours, où il y a toujours des affaires qui nous attendent et quelqu’un pour nous accueillir, nul n’y est prisonnier. Tous sont pris d’envies de voyager, de voir le monde, de rencontrer d’autres gens, d’autres cultures, d’autres paysages, d’autres rites,… Mais tous finissent par revenir, comme inexorablement attirés par la magie du lieu et de la communauté qui s’y est créée.

Et au milieu de tout ça, il y a moi. Moi qui profite de la cohabitation comme les autres, qui écoute, commente, voyage, observe le monde, parcours son décor, nage, saute, plonge, taquine, joue, empli de ce sentiment de plénitude et de sérénité acquis par la conviction qu’il n’y a rien, au-dehors, qui vaille la peine de partir s’installer ailleurs. Car ici, il y a tout ce qui compte pour moi, tous ceux qui comptent pour moi, et, surtout, elle.

Elle qui me fait me lever, elle qui me fait courir, sourire, rêver, elle qui est spontanée, vive, nature, qui est ouverte, proche des gens, leur fait confiance au premier abord au lieu de s’en méfier comme le fait la majorité, qui a la capacité de s’émerveiller de tout, que j’aime écouter, avec qui j’adore discuter, qui a une façon de faire des remarques qui lui paraissent bénignes, le plus naturellement du monde, mais qui ont cette capacité de faire s’emballer mon imagination et ma réflexion, elle qui est douce, tendre, qui a toujours le sourire aux lèvres et les yeux qui brillent, de cette insouciance heureuse née du savoir inné que la vie est belle et ne peut pas en être autrement, qui par conséquent en profite pleinement, elle avec qui j’ai envie d’être, ici, demain, aujourd’hui, tout le temps, elle qui me motive, qui me ferait traverser le monde pour la retrouver, elle, la seule, avec qui je suis convaincu, qu’il n’y aura jamais mieux ailleurs…

Un ciel gris où ne s’égare même pas, aujourd’hui, ne serait-ce qu’un fragment du disque solaire. Une ville banale, avec ses points d’eau où la baignade est interdite, ses arbres bien rangés, disciplinés, alignés en bordure des routes. Des gens anonymes, pressés, stressés, des voitures rapides, imprudentes, furieuses. Flore cultivée, faune inexistante, à part quelques pigeons, chats errants et chiens en laisse. Rien de sauvage, rien de personnel, tout est uniforme, lisse, cautérisé, mais en même temps comme abandonné, tout appartient à tout le monde, donc rien n’appartient à personne, et personne ne s’occupe de rien.

Et au milieu de tout ça, il y a moi. Moi qui continue à errer, à chercher, sans pourtant vraiment trouver. Pourtant j’avance, et plus j’avance, plus je me définis, je me rends compte de ce qui me plaît, ce dont j’ai envie, ce que je ne voudrais pas. Mais l’horizon reste loin, les silhouettes restent sombres, les visages restent flous. Alors je persévère, je lutte et je m’obstine, pour enfin pouvoir me poser, pour enfin trouver, à ces questions des réponses, à ces envies des assouvissements, à la vie un sens…

Et vous… qu’est-ce qui vous tente ? Qu’est-ce qui vous hante ? Quelles sont vos attentes ? Qu’attendez-vous, au fond, de cette vie ?

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