Aujourd’hui 8 mars, c’est la Journée de la femme. Ça a l’air d’être quelque chose d’important, puisqu’on en parle aux infos… Partons donc à la découverte de cet étrange concept.

Que peut bien être cet événement de Journée de la femme ? La première question qu’on se pose, tout naturellement, c’est « quelle femme ? ». Parce qu’avec 6 848 030 730 personnes sur Terre, lundi 8 mars 2010 à 11 h 20 min et 14 s (source : http://www.populationmondiale.com/), et environ 50% de femmes parmi ces personnes, ça nous fait quand même 3 424 015 365 femmes dans le monde ! Ça reste une approximation, puisqu’il y a en moyenne 52% de femmes dans les pays développés (dû à l’espérance de vie plus importante pour les femmes), mais que, dans d’autres pays, les femmes sont éliminées à la naissance. Par conséquent, 50% semble être une bonne approximation, puisque je n’ai pas trouvé de pourcentage à l’échelle mondiale.

Parmi ces quelques 3 424 015 365 femmes, il n’y en a donc qu’une dont c’est la fête aujourd’hui ! Je ne sais pas qui c’est, mais pourquoi elle ? Elle est représentative de son espèce au point qu’on lui consacre une journée par an ? Ou alors c’est comme l’élection des Miss Je-suis-la-plus-belle-du-pays, il y en a une différente choisie chaque année ? Avec un mandat d’un an, des obligations, des responsabilités ? C’est quand même bizarre, parce que personne n’en parle, de l’élue… C’est une parfaite inconnue, et qui le reste après avoir accédé à ce statut !

Bon, réfléchissons… Qu’est-ce qu’on peut bien lui demander de faire, à cette femme ? En tant que représentante de la moitié féminine de l’espèce, on doit sûrement lui demander de mettre en avant la quintessence des occupations, opinions, et activités des femmes… Mais qu’est-ce que ça fait, une femme ? Voyons… Faire du shopping. Quoique ce n’est pas une spécificité féminine, ça… Les hommes aussi en font, quand le besoin s’en fait sentir… Alors ? Ah, si, bien sûr ! Faire à manger, le ménage, la vaisselle, le repassage. Élever des enfants, aussi. Et puis obéir aux hommes, rester à l’écart des décisions importantes, ne pas participer à la vie sociale ou politique, servir de souffre-douleur… En fait, y en a, du boulot ! Du coup, l’heureuse élue a un an pour se plonger dans son rôle au mieux, et sûrement chercher des moyens pour améliorer l’efficacité des tâches qui lui sont allouées.

À bien y réfléchir, c’est pas si mal, la journée de la femme ! Un peu comme un service militaire. Ou civil, plutôt. Un service rendu par une femme à l’ensemble des femmes, à l’échelle planétaire. Mais du coup, une seule femme par an, ça fait peu, pour faire progresser tout ces petites tâches ! Il faudrait faire une journée des femmes, avec une grande loterie internationale, pour sélectionner les femmes qui feront leur « service civil féminin annuel » et rendront hommage à toutes les autres, en réfléchissant sur toutes les activités qu’elle pourraient améliorer, ou entreprendre, pour se faire encore plus discrètes et facilité encore davantage la vie des hommes ! Pourquoi, en effet, n’accorder ce privilège qu’à une seule ? Bon, d’accord, quelle émotion, quelle fierté, pour l’élue ! Mais sans tomber dans l’excès inverse, on peut très bien imaginer un contingent un peu plus nombreux, de sorte que…

Oui ? C’est pas très gentil, d’interrompre les gens comme ça, vous savez…

Quoi ? Ma juscule ? Qu’est-ce qu’elle a, ma juscule ?

Celle de la femme ? Laquelle ? L’élue ? Ben je sais pas comment elle s’appelle…

Ah ?

Zêtes sûrs ?

Bon… hum…

On me dit à l’instant qu’en fait, ce n’est pas la Journée de la femme, aujourd’hui. En fait, ce serait la Journée de la Femme. Ce qui change tout, vous en conviendrez… Bon, oubliez donc ce que j’ai dit précédemment, et reprenons depuis le début, si vous le voulez bien :

Aujourd’hui est donc la Journée de la Femme, avec un grand ‘F’, comme, heu… Frankenstein. Oui, bon, d’accord, mais c’est le premier mot commençant par ‘F’ qui m’est passé par la tête (enfin, si on exclut le premier, mais « Flucheurplouk », ça veut pas dire grand-chose. Et le deuxième aussi, parce qu’il est anglais. Et peu distingué, il faut bien l’admettre).

Alors, pourquoi cette majuscule ? Parer ainsi la femme de grandeur, pour la transformer en Femme, c’est lui conférer une importance qu’elle n’avait pas avant. On peut donc en déduire logiquement que la Femme est une espèce à part entière. En voie de disparition, semble-t-il, et pour laquelle il faut militer, puisqu’on lui consacre une journée par an, exactement comme la Journée des espèces menacées, qui a lieu le 11 mai, ai-je besoin de vous le rappeler.

On peut cependant remarquer que ces deux événements ont lieu à des dates sensiblement différentes, ce qui implique que la Femme n’est en fait nullement une espèce menacée. C’est vrai qu’avec environ 3 424 015 365 individus sur la planète, l’espèce ne peut raisonnablement pas être qualifiée de « en voie de disparition ».

Que peut donc bien posséder de particulier cette charmante espèce, au point qu’on lui consacre une journée ? Le fait de leur accorder ce jour particulier, c’est quand même reconnaître qu’elles en vaillent la peine ! Parmi la biodiversité qu’abrite notre Terre, peu d’espèces ont droit à cette reconnaissance ! Et encore, certaines partagent leur journée avec d’autres… Pour prendre l’exemple représentatif d’une espèce proche de la Femme, l’Homme, lui, n’a pas droit à sa Journée ! La Femme possède donc quelque chose qui la rend supérieure à l’Homme, et justifie ainsi qu’on la montre sur un piédestal, illuminée de projecteurs lui donnant un éclat si savoureux.

C’est d’ailleurs peut-être là l’explication : en général, les individus Homme aiment voir les individus Femme mis en lumière, exposés ainsi, à nu, sous leurs yeux. Dans leur grande bonté, les Femmes se livrent donc à cette exhibition, dans le but de satisfaire les Hommes, et tirent une gloire et une fierté incommensurables de cette façon qu’ont les Hommes de les révérer. C’est somme toute assez égoïste, il faut bien le dire… Mais puisque ce sont les Femmes qui ont milité pour l’instauration de cette journée, le tout est cohérent.

En conclusion, les Hommes se sont plutôt bien débrouillés ! En effet, la Journée de la Femme existe à l’initiative des Femmes, et (même si la raison à la base est égoïste), pour le plaisir des Hommes ! C’est finalement une sorte de St Valentin, sauf que les Hommes n’ont aucune obligation, et peuvent admirer et disposer des Femmes comme ils le veulent pendant une journée entière !

Ce qui n’est d’ailleurs qu’un juste retour des choses, puisque le reste de l’année, beaucoup de Femmes se dissimulent derrière un vêtement ample, épais, les occultant totalement à la vue des Hommes. Mais bizarrement, le plus souvent, elles le font à la demande des Hommes, ou sous leur influence ! Il faut croire que les Hommes ne sont pas très évolués… D’ailleurs, eux qui adorent les Femmes, les épousent, les encensent, leur vouent un culte, les chérissent, ne peuvent se passer d’elles, leur veulent le plus grand bien… Ceux-là les briment, les battent, les traitent en inférieures, les dégradent, les forcent à leur obéir, disposent d’elles selon leur bon vouloir, comme si, effectivement, elles étaient une espèce différente, comme si les Hommes appartenaient à une race, les Femmes à une autre, et que les premiers avaient droit de vie et de mort sur les secondes, droit d’origine divine, acquis par la naissance…

À tel point qu’il y ait besoin d’instaurer une Journée de la Femme, pour lutter contre les inégalités et les mauvais traitements, une Journée de la Femme comme il existe une Journée des espèces menacées, parce que « menacée » n’est pas antinomique d’ « en voie de disparition », et qu’on peut être effectivement menacé sans pour autant proche de l’extinction à court terme ; une Journée de la Femme pour dénoncer toutes celles qui sont rabaissées, battues, exterminées ; une Journée de la Femme pour faire évoluer les mentalités ; une Journée de la Femme pour militer en faveur de l’égalité des sexes devant les fonctions sociales, et, si ce n’est par une représentation égalitaire dans les emplois haut placés (les postes doivent s’obtenir au mérite, non grâce à un quota), du moins par l’opportunité donnée aux Femmes d’accéder à ces fonctions si elles en ont l’envie, et par l’égalité de traitement des dossiers entre Homme et Femme lors d’une candidature ; une Journée de la Femme pour qu’enfin elles soient considérées, en droits et libertés, comme les égales des Hommes.

Une Journée de la Femme, parce que :

17 % : c’est l’écart de salaire médian entre les femmes et les hommes cadres. Apec, 2008

7 % : c’est l’écart du salaire perçu entre une femme et un homme cadre ayant les mêmes caractéristiques, occupant le même poste et travaillant dans le même type d’entreprise. Apec, 2008

44% : c’est l’écart de salaire entre les femmes et les hommes dans les professions libérales. Les professions libérales en 2007, Insee

9 % : c’est le taux de chômage des femmes contre 8 % pour les hommes. Insee, enquête Emploi, 3ème trimestre 2007

1020 euros : c’est le montant mensuel brut de la retraite moyenne touché par les femmes de 60 ans et plus en 2004. Soit un montant inférieur de 38% à celui des hommes. Sixième rapport du Conseil d’orientation des Retraites, 2008

17,8 % des femmes titulaires sont à temps partiel, contre 3,2 % des hommes. DGAFP, 2008

Les femmes représentent aujourd’hui en France plus de 82 % des 5 millions d’actifs salariés à temps partiel, la durée moyenne des contrats étant de 23 heures par semaine. Conseil économique et social, 2008

9 % des femmes salariées sont en situation de temps partiel subi, contre 2,5 % des hommes. Insee, enquête emploi 2007

3h48 : c’est le nombre d’heures en moyenne par jour que les femmes consacrent aux tâches domestiques contre 1h59 pour les hommes. Ministère du Travail, Service des droits des femmes et de l’égalité, chiffres-clés 2007

85,3 % c’est le taux de réussite des filles au baccalauréat en 2008, contre 81,5% pour les garçons. Ministère de l’Education nationale, 2008

Et encore, ces chiffres-là, c’est pour un pays développé… le nôtre.

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