Au détour d’une conversation sur le lait, le constat suivant est très vite apparu : les vaches ne font pas du lait uniquement pour le mettre dans des boîtes en carton pour supermarchés humains. Non, en fait, les vaches produisent du lait pour nourrir leurs petits !

C’est de là qu’est parti le raisonnement qui aboutit à la grande question philosophique de ce siècle : les vaches produisent du lait pour leurs petits, c’est un point acquis. Mais les vaches ont besoin de se nourrir pour fabriquer du lait pour leurs petits. C’est aussi un point acquis. Or, les vaches se nourrissent d’herbe, qu’elles broutent joyeusement dans les prés quand elles ne sont pas occupées à se faire observer par des trains de passage. Donc la vache a besoin d’herbe pour exister. Mais la vache, dans son processus de fabrication de lait, produit des déchets, qu’elle a la bonne idée de transformer en engrais et de répandre dans son assiette. Ce qui a pour effet de faire pousser l’herbe. Donc l’herbe a besoin de la vache pour exister.

Alors qui est venu en premier : l’herbe ou la vache ?

D’après Fernandel, ce serait le prisonnier. Car, telle la poule dans son œuf, la vache est prisonnière de l’herbe, et tel l’œuf autour de la poule, l’herbe est prisonnière de la vache. Conclusion : dans un cycle infini de deux éléments, chacun précédant et suivant l’autre, les deux sont prisonniers d’un troisième élément qui n’est autre que leur union. C’est le prisonnier qui est la clé de toute existence. Car tout être vivant est prisonnier de son milieu, hors duquel il ne peut survivre. On a donc tous besoin d’une prison pour se développer, même si celle-ci limite notre taille. Et quand on a atteint notre taille maximale, il n’y a plus qu’à s’évader. C’est-à-dire mourir. Mais attention, la mort n’est pas forcément une preuve d’évasion. Elle peut être une preuve de l’existence d’un des éléments de la prison. Car notre milieu est temporel, et nous sommes tous dotés d’une date de péremption inconnue. Le but de la vie est donc de réussir à s’évader avant notre date de péremption, avant que le compte à rebours de notre prison temporelle ne soit achevé. Il faut donc se développer dans notre milieu pour en découvrir toutes les limites avant cet instant fatidique. Mais c’est justement en cherchant nos limites qu’on se développe. Ce qui revient à chercher nos limites pour découvrir nos limites. Mais comment sait-on qu’on a atteint une limite ? Si notre recherche est stoppée, est-ce parce qu’elle a abouti dans une impasse, ou qu’elle est arrivée à son terme ? Le seul moyen de le savoir est d’essayer de dépasser cette hypothétique limite, c’est-à-dire essayer de s’évader. Donc essayer de mourir. Une fois mort, la limite est franchie. Plus précisément, une limite est franchie. Comment délimiter une prison avec une seule limite ? Il faut donc réitérer l’opération pour découvrir nos autres limites. En essayant de s’évader à chaque fois qu’on pense avoir atteint une limite de notre prison. A chaque fois, si la mort survient, c’est qu’on a découvert une limite. Une fois toutes les limites découvertes, on saura donc comment franchir n’importe laquelle des limites. On saura également s’arrêter avant l’évasion. Par conséquent, ne plus mourir. Le secret de l’immortalité réside donc dans la mort. Plus on meurt, plus on est immortel.

Merci les vaches pour cet instant philosophique.

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